Je viens de dépasser les 55kg. C’est peut être rien pour vous mais pour moi ça veut dire beaucoup. C’est la première fois de ma vie. Vous voyez certainement pas ou je vais avec ça. C’est une victoire pour moi. Parce que ces kilos racontent mes 4 années de célibat et de réappropriation de mon corps. Ah ça, vous l’avez pas vu venir le lien entre les kilos et le célibat hein ? Parce que voila. Ma dernière histoire a été compliqué, avec plusieurs ruptures et donc plusieurs déprimes carabinées. A chaque fois, je perdais beaucoup de poids. Genre la dernière fois, j’ai pas bougé du lit pendant une semaine, j’ai à peine mangé, juste énormément pleuré et dormi. Jusqu’au jour où il m’a dit de me lever et de prendre une douche. Et la je me suis retrouvée nue, devant le miroir et je ne me suis pas reconnue. Il m’a retrouvé en boule, nue toujours, en pleurs, sur le sol de la salle de bain. Parce que j’avais beaucoup perdu. Comme si en se quittant, il prenait une partie de moi (mon coeur pesait donc environ 5kg apparemment à ce moment la).
Bref. 1 an ou 2 après la rupture, je suis retombée sur des vieilles vidéos de moi. Et force est de constater que mon corps avait vraiment changé entre le début de cette histoire et au moment où je suis tombée sur ces vidéos. J’avais perdu des seins notamment. Déjà que c’est pas ce que j’ai le plus en stock, j’étais estomaquée de voir que j’en avais eu quand même un peu plus avant qu’il débarque dans ma vie. Suite à ça, dès que je me voyais nue, je pensais à mon ex. Comme si mon corps ne m’appartenait plus ou me lier à lui. J’ai mis du temps à me remettre de cette histoire. Mais me sentir dépossédée de moi même, de mon corps, était une sensation que j’ai détesté.
Mais il vous manque un bout de l’histoire. A notre dernière séparation, je suis tombée enceinte de lui. Une semaine après la rupture. J’étais encore amoureuse, cet enfant on l’avait imaginé, s’il arrivait « c’était pas grave ». Sans rentrer dans les détails compliqués, j’ai décidé d’avorter. Et c’était pas une décision facile. J’avais 31 ans, comme je l’ai dit, cet enfant je l’avais déjà imaginé, il avait même un surnom « Plume », j’étais amoureuse. Mais bref, j’ai pris la décision, et je ne l’ai jamais regretté. C’était la meilleure décision à prendre. Sauf que voila. Cet embryon de lui et de moi est resté dans mon ventre que 2 ou 3 semaines (cette période est floue, je rappelle : rupture de l’enfer + mon beau père décède à ce moment la + je tombe enceinte). Mais j’ai, dans ce petit laps de temps, senti mon corps changé, réagir en tout cas. J’avais son ADN dans le mien, emmêlé, imbriqué, indivisible. Je l’ai vu sur l’échographie. Je l’ai aimé, détesté, imaginé, espéré et puis tué. C’est beaucoup. Quand on l’expulse dans les chiottes, on se dit que ça y est c’est fini. Et pourtant, ça a changé à jamais mon rapport à tant de choses et j’y reviens, principalement à mon corps et à l’idée de la maternité. Parce que d’un coup mon corps n’était plus que le mien. Il avait été partagé, habité, viscéralement. Je l’ai ressenti pendant très longtemps, même après l’avortement. Et je le ressens encore.
Il y a eu le soulagement quand j’ai avalé cette pilule qui a détaché et expulsé cet embryon de mon utérus. La bagarre instinctive de s’en sortir, d’avancer et d’aller mieux, de reprendre les choses en mains.
4 ans plus tard, je me rends compte à quel point cet être qui ne verra jamais le jour est encore avec moi. Mais c’est comme si un « fantôme » était encore la, avec et en moi. Je n’ai jamais rêvé d’être mère, mais aujourd’hui, c’est quasi comme si j’en avais fait le deuil, car après avoir mis autant de temps à me remettre de cette histoire, c’est comme si j’avais la sensation que si je retombait enceinte, le prochain enfant ne serait pas que de moi et de celui qui serait le père. Il planerait cet autre, celui qui n’a pas existé, qui n’est pas né. Et pourtant je le redis, c’était la meilleure décision d’avorter. Je ne regrette absolument rien. C’est juste cette sensation qui me rattache encore à ce passé, ce corps dont je me suis senti trop éloignée, qui est la, mais qui ne m’appartient plus vraiment. Je trouve ça fou comme mon corps lui a appartenu, à lui. Se donner corps et âme qu’ils disent.
J’ai mis du temps à conscientiser tout ça, à me réhabiter. Je suis plus sereine maintenant, mais je trouve étrange que personne ne parle de ça. Et dans un sens je le comprends, car ce que je raconte la pourrait limiter servir de propagande anti IVG. Alors que, bordel, je soutiens tellement ce droit qui me semble si vital et fondamental, que je suis de ces féministes que beaucoup pourrait qualifier de radicale. Surement pour ça aussi que j’ai mis si longtemps à poser ça quelque part. D’ailleurs je trouve ça terriblement injuste car mon ex ne pense certainement jamais à cet enfant, alors que j’ai du lutter pour apprendre à vivre avec. Me détacher de lui était une chose, me détacher de cette âme qui m’accompagne en est une autre. Je trouve ça tellement injuste. Outre les blessures qui restent de cette histoire, j’ai en plus, cet évènement qui me lie à lui, pour toujours.
Peut être que je me serais sentie moins seule, moins «perchée » si on avait plus donner la parole aux femmes sur ce que c’est réellement que l’avortement (enfin sur tout en général, mais je vais pas rentrer la, dans le débat, sinon on est pas couché). Car ça reste une chose merveilleuse, la pleine possession de son corps et de ses choix. Parce que je crois très peu au hasard et si après 3 ans en couple avec lui, sans jamais un accident, je suis tombée enceinte à ce moment la, c’était pas pour rien. Aujourd’hui j’ai capté que cet « enfant » (cette âme comme j’aime mieux l’appeler) m’avait permis en avalant deux médocs, de mettre réellement fin à cette histoire avec ce mec. C’est pas seulement un avortement qui est allé aux égout quand j’ai appuyé sur la chasse d’eau, c’est cette histoire qui est parti avec. Un peu en tout cas.
Alors quand même, merci « Plume ».