Merci Simone

Aujourd’hui, Simone Veil nous a quitté.

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Simone Veil, devant l’hémicycle, le 26 novembre 1974.

Je ne pensais pas parler de ça, ici, après tout ce temps, mais cette disparition a provoqué l’envie de partager mon expérience. Parce que c’est important de parler de nos règles, de nos corps, de nos avortements. Parce que c’est un combat que nous devons continuer à mener, parce que c’est un combat qui est encore plus dense dans trop de pays.
Nous avons la chance de vivre dans un pays où des personnes se sont battus pour nos droits, pour nous offrir le choix.

Il y a quelques semaines, j’ai appris que j’étais enceinte, pour la première fois à 31 ans. Je n’avais jamais eu besoin d’avoir recours à l’IVG et je me suis rendue compte à quel point on en parlait encore peu, en France en 2017. J’ai appris beaucoup de choses. Notamment, que ce n’est jamais facile, que c’est vraiment génial d’avoir le choix, mais que ce n’est pas non plus un acte anodin.
Fraîchement séparée du papa, encore amoureuse, cette grossesse a soulevé beaucoup de questions. Je me suis sentie parfois forte en imaginant garder cet enfant que j’avais déjà imaginé, rêvé. Parfois je me suis sentie plus bas que terre, parce que gérer un décès familial, une rupture sentimentale, et couronner le tout par ce tourbillon d’émotions et de questions qu’apporte une grossesse, ça fait beaucoup en même temps.

On ne nous parle pas de toutes ces questions qui vont arriver après avoir pisser sur ce bâtonnet, ce mélange de terreur, de joie immense. On ne nous parle pas de ce que l’on sent dans son corps alors que cette chose qui est en train de se former est aussi minuscule qu’une graine de sésame. On ne parle pas de tous les signes qu’on perçoit avant même de le savoir concrètement. J’ai beau avoir 31 ans, je me sens encore comme une enfant, mais ce lundi où j’ai appris que j’étais enceinte de l’homme que j’aimais a été le jour où je suis devenue femme.

J’ai écrit des poèmes nuls mais honnêtes :

Lundi je suis devenue une femme.
Lundi, deux traits sont apparus.
Deux traits qui n’ont pas traînés.
Pas comme toi qui ne naîtra jamais.

Ou encore

IGI, ici gît
Interruption de Grossesse Involontaire
Je ne serais jamais ta mère

Dans mes interrogations, m’ont accompagnés les podcasts de Lauren Bastide, l’Instagram Jeboisdescafésjemefaisavorter, mes amies, ces femmes qui ont déjà des enfants, celles qui en attendent, celles qui sont nullipares, celles qui ont avortés…

Traverser ça seule, les rendez vous médicaux, les prises de sang où tu joue « à faire comme si tu allais le garder parce que l’infirmière trouve que c’est une bonne nouvelle » (ce jeu était facile, bien plus simple que d’imaginer avorter)les nausées toute la journée, sentir son utérus qui change, les prises de médicaments, les hormones, les pleurs, les questions, les larmes qui montent dès qu’une femme enceinte apparaît devant tes yeux, la culpabilité pour toutes celles qui ne peuvent pas avoir d’enfants, et l’après…
Parce que l’après est difficile. Je ne dis pas que je regrette mais un processus de deuil est à faire quand même parce qu’après avoir senti la vie grandir en soi, je me suis sentie morte à l’intérieur.

Après un sentiment de libération, de « soucis en moins », j’ai eu un violent contre coup, où j’ai déversé toutes les larmes de mon corps, parce que j’ai réalisé ce qu’il s’était passé. La fatigue d’avoir perdue ton sang, ta chair pendant 2 semaines. Les hormones qui continuent de te jouer des tours, le manque de quelque chose qui n’a jamais vraiment existé, le fantôme de cet être qui ne sera jamais mais qui est lové au fond de toi même.

C’est bien d’avoir le choix, c’est précieux et jamais je ne remettrais en cause cette liberté. Jamais. Je suis juste surprise des tabous qui subsistent, des trucs que j’ai découvert, de la solitude que l’on éprouve, de voir que tant de femmes sont bouleversées par la mort de Simone Veil et voir si peu d’hommes l’être alors qu’ils sont tout autant concernés. J’ai mal de voir tout le travail qu’il y a encore à faire, alors que nous avons déjà la chance d’être si avancé. J’ai mal d’avoir subi tout ça, mais j’ai grandis à travers cette expérience. 

Parler. Nos sœurs, nos enfants, et petits enfants nous remercieront peut être un jour de leur avoir expliquer des choses qui pour nous ont été tue. Informez vous, documentez vous, partagez autour de vous, parce que c’est une façon de lutter contre tout ça.

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Ne tombez pas dans le piège des pro vies et de leurs sites internet mis en avant sur google, des premières vidéos youtube sur lesquelles on tombe en tapant « avortement ». Oui, ce n’est pas un acte anodin mais parfois nécessaire. La seule et unique vérité, c’est que cette solitude que tu ressentiras, te fera grandir certes, mais aussi que tu es la seule et unique personne à savoir ce qui est bon pour toi, quelque soit le contexte, ton âge, ta situation, etc…
Regarde les bons sites, les bonnes vidéos (coucou Flavie ❤ ), lis les bons livres, les bonnes BD, abonne toi à des newsletters inspirantes, aime toi, parle et fais toi accompagner et continue ce combat parce qu’hélas, on a encore du boulot….

Ceci est mon histoire, chacune a SON histoire, chaque histoire est UNIQUE. Et c’est ce qui est précieux. Merci Simone Veil de nous avoir donné le choix, d’avoir permis ces possibles. Merci pour ton courage, parce qu’il en fallait. Merci pour ce 26 novembre 1974. Veil sur nous Simone, pour nous donner la force de continuer. 

Je vous laisse avec le meilleur conseil que j’ai pu recevoir : « quelque soit ta décision, ce sera la bonne ».

 

2 réflexions sur “Merci Simone

  1. Je n’ai pas l’habitude de commenter mais j’ai trouvé votre texte très touchant, je dirai même bouleversant. Vous avez eu le courage de nous faire partager cette expérience douloureuse avec authenticité et pudeur. Je vous remercie pour ce témoignage nécéssaire parce qu’il souligne que le combat pour l’IVG n’est pas terminé.
    Merci à vous, je vous souhaite le meilleur.

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